La précision ci-dessus qui relève d’une sociologie simplette doit laisser place à un arrêt de méditation pour une autre considération de digestion paisible car, prise dans un bol de dimension classique, l’eau tiède est susceptible de rendre service aux êtres humains affligés de constipation, surtout quand elle est prise à la suite d’un gigot aux haricots ou d’un cassoulet toulousain.
En effet, quoique savoureux ces derniers sont d’essence bétonneuse surtout quand on récidive dans le confit et qu’on s’obstine dans le haricot ce qui est évidemment à surveiller pour bénéficier d’un transit normal.
J’aurai mauvaise grâce à limiter l’utilité de ce bol, au rinçage intérieur nécessaire de ce que François Rabelais appelait fort joliment les andouillettes serpentines. Et l’on ne saurait regretter cette action purificatrice à base d‘une eau claire généreuse et jaillissante accompagnant l’élaboration minutieuse des AAAAA lesquelles, comme chacun sait, sont les cousines germaines des précédentes. Dans ces deux cas, constate qu’une certaine quantité d’eau est nécessaire mais que le goutte à goutte y apparait comme nettement inopérant et, de toutes manières, qu’il n’est guère adapté aux dimensions du bol.
En revanche, l’eau tiède peut avoir également un autre intérêt quand elle concerne une malencontreuse congestion de la géographie culière nécessitant le bain de siège chaudement recommandée aux dames par Rica Zaraï. Mais, à ce moment là, c’est le bol qui apparaît beaucoup trop petit pour réaliser la prestation en question. En conséquence, concernant ce cas d’espèce, notre bol traditionnel doit laisser place à d’autres conteneurs du type bidet ou baignoire, surtout quand l’utilisatrice se réfère physiquement plus à la femme aux formes généreuses de monsieur Rubens qu’à celle de Boticelli.
Reste que si l’éventail des utilisateurs d’eau tiède est loin d’être réduit en fonction de l’importante demande venue de nombreux fessiers, le bol, lui, en est effectivement marginalisé dans son destin apaisant et culmophile.
En tant que tel et en fonction d’une dignité spécifique, la démarche assurée et les yeux fixant sereinement l’azur, notre bol doit donc assumer son destin sans tam tam ni trompettes superfétatoires.
On voit bien qu’il s’agit là d’une éthique essentiellement bollienne que le langage commun ne manque pas de souligner en cas de contrariété avec l’expression « manquer de bol ».
Cette remarque qui implique évidemment combien le modeste bol peut difficilement contenir certains volumes d’eau fait que cette situation indique souvent un fort navrant « ras le bol ». Je n’insisterai pas sur ce sujet qui prête parfois à des comparaisons exagérées voire audacieuses telles qu’en avoir plein le cul. Indubitablement cette métaphore est à la fois la voisine et l’interface de la notion qui la précède.
Je préfère conclure pragmatiquement sur cette expression dite de navritude : Y compris si vous devez faire chauffer de l’eau froide dans une casserole pour obtenir de l’eau tiède, ayez toujours quelques bols à portée de la main pour rendre le liquide plus appétant pour ses diverses utilisations. Des anonymes en faïence ordinaire feront aussi bien l’affaire que des plus prestigieux en porcelaine précieuse du moment que leur dimension est suffisante.
Le point de vue analysé ci dessus n’est pas exhaustif de la Saga du bol car, sans en avoir l’objet on peut également avoir du bol dans sa vie ; c’est à dire de la chance.
Cette expression a aussi sa face arrière car si on entend parfois dire …Quel bol il a cet homme! pour désigner un veinard, elle est aussi traduite plus vulgairement par la métaphore : Quel cul il a… ce mec!
Enfin, autre point positif, si le bien connu bol de riz, nécessaire à une ancienne survie chinoise, possède un côté minimaliste dans la nutrition, respirer un bol d’ait est généralement apprécié comme bon pour les bronches. Et ce dans toutes les civilisations.
Le BOL et la santé ont donc une très ancienne connivence. ourtant l’eau tiède participant de cette étude doit être précédée d’une approche un peu technique. Et avant d’analyser plus avant ce concept où la littérature va intervenir pour justifier la présence du présent texte dans ce site littéraire distingué, il me faut vous indiquer les deux méthodes les plus utilisées pour obtenir une eau idéalement tiède.
La première consiste à chauffer de l’eau froide jusqu’à la température voulue alors que la seconde consiste à laisser refroidir de l’eau chaude. Mais dans les deux cas le contrôle manuel interviendra exception faite des amateurs de précision désirant quantifié leur notion personnelle de tiédeur en réalisant son contrôle avec un outil spécialisé tel que le thermomètre.
En effet les approches concernant cet état qui va du tiédasse sans grand caractère au presque chaud sont évidemment différentes suivant les individus.
A titre d’exemple choisi dans notre patrimoine littéraire, je ne pense pas qu’il faisait aussi chaud dans la LÉGENDE DES SIÈCLES quand Victor Hugo évoquait « ON ETAIT AUX BEAUX JOURS DE LA TIÈDE SAISON » que dans YVETTE quand Guy de Maupassant décrivait une languissante ambiance par cette constatation à une température bien supérieure à 37 degrés : « L’AIR TIÈDE DE LA NUIT ENTRANT PAR SOUFFLES LÉGERS LUI PASSAIT SUR LA FACE DUNE FACON EXQUISE. »
Conclusion : A chacun sa tiédeur apaisante et son toucher manuel. Mais surtout, qu’il soit plein, vide ou a demi rempli… à chacun son bol ! La sagesse des nations souligne ainsi l’individualisme lié à l’utilisation de ce récipient pratique qui implique aussi bien notre choix de consommation que notre manière de le remplir.
Néanmoins il me semble évident que le bol d’un chocolat fondant de chez Angélina rue de Rivoli, accompagné de toasts finement beurrés ou de petits fours n’est guère comparable au plein bol d’eau tiède qui est l’objet de cette approche épistémologique.
En conclusion, il m’apparaît honnête de signaler au lecteur que la présente étude est à la fois argumentée sur le fond quoiqu’elle soit restée volontairement débonnaire dans la forme. Ainsi, elle est à la portée de toutes les classes sociales.
De plus, précisons que l’objet en question est généralement entouré dans les endroits consacrés au rangement ménager par divers de ses concurrents tels que la jatte, la coupe et la tasse. Ils sont même parfois montés l’un sur l’autre.
C’est dire combien ce contenant exemplairement démocrate admet la différence de peau en attendant le métissage induit.
Claude Chanaud Mai 2012
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