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LA RETRAITE DU BERETTA

La retraite du Beretta

EXTRAIT

 1

C’était une habitude. Tous les matins vers les onze heures, Georges Lecouder descendait pour une promenade. Une petite.
Il ne dépassait jamais la porte d’Orléans sauf pour aller jusqu’à Denfert-Rochereau et parfois jusqu’au bout de la rue Froidevaux.
Cette longue rue froide qui longe le cimetière du Montparnasse.
Voilà un an déjà. Un an que Georges se trouvait à la retraite.
Ce matin-là, il hésita, se caressa la barbe, une barbe que depuis un mois et demi déjà il laissait pousser.
Par paresse ! Et pour mesurer à la longueur de ses poils sa lassitude croissante.
Oui, Georges hésitait à sortir. Il imaginait déjà le trajet gris qu’il effectuerait comme tous les matins. Il prendrait le boulevard Brune, boirait un café au Paris Orléans, puis longerait l’avenue du Général Leclerc jusqu’à l’église d’Alésia…
Parfois, Georges y pénétrait, regardant d’un œil absent toute la quincaillerie qui s’y trouvait. Parfois, déjà las de ce parcours, il faisait demi-tour.
Parfois, il poussait jusqu’à Denfert-Rochereau et s’offrait la rue Daguerre en friandise pour déguster d'un œil gourmand les étalages des commerçants. Georges s’attardait aussi sur quelques silhouettes féminines ou quelques originaux qui traînaient toujours par là.
Invariablement, Georges revenait chez lui par la mairie du quatorzième. Il reprenait l’avenue du Général Leclerc, quelques fois par la rue des Plantes.
Revoir le petit film de sa vie matinale, l’angoissa. La main sur la poignée de sa porte, il resta figé, les jambes alourdies par un sourd malaise.
Puis subitement, il revint dans sa chambre, ouvrit un des tiroirs de sa commode, fouilla un instant et en retira son Beretta, une arme qui avait échappé à l’inventaire, lorsqu’il avait quitté après vingt ans de bons et loyaux services, le commissariat de Châtillon, où il avait terminé sa carrière.
Une soudaine satisfaction parcourut son corps et les traits de son visage. Cette arme avait ragaillardi Georges, comme une gorgée de Champagne.
Dans l’ascenseur, Georges tâta son Beretta comme un fumeur vérifie la présence de son paquet de cigarettes dans sa poche.
Il marcha dans les rues l’esprit léger. Incapable de comprendre pourquoi la présence de cette arme, entre sa chemise et sa ceinture, avait gommé son malaise existentiel.
Sans doute se sentait-il en fonction, utile.
Arrivé à Alésia, Georges s’installa au comptoir du Leclerc. Il était tôt. Des habitués buvaient leur apéritif prématuré. Georges commanda une bière et observa cette faune bavarde. Les journaux étaient ouverts, les commentaires fusaient.
Georges buvait à petites gorgées, son regard allait du comptoir à la rue. Il suivait parfois la démarche d’une jeune fille, puis revenait sur le visage fané d’un des consom-mateurs.
Il reprit sa route vers Denfert-Rochereau.
Dans sa tête, la main sur la bosse que formait, sous sa veste, son Beretta, il émettait des Bang… Bang… en fixant un personnage qui marchait devant lui.
Par la rue Froidevaux, il entra dans le cimetière du Montparnasse et avança sans but entre les tombes. Les allées étaient dépeuplées. Le silence flottait sur les tombes comme un couvercle sur une marmite.
Georges s’adossa contre le mur d’un caveau. Il  sortit son arme, regarda autour de lui puis le bras tendu, un œil fermé, il visa des croix, des pots de fleurs. Son bras suivait d’un mouvement circulaire l’étendue du cimetière.
Au bout de sa mire, il vit soudain une vieille femme occupée à nettoyer une tombe.
Georges poursuivit du bout de son Beretta son inspection du cimetière, s’immobilisa puis revint sur la vieille femme. Elle se tenait là à une quinzaine de mètres de lui. La balle partit sans surprendre Georges.
Une volée de pigeons se dispersa au dessus des tombes. La vieille dame était à terre. Immobile, le visage collé à la dalle qu’elle était en train de nettoyer.
Avec l’adresse d’un professionnel, Georges se précipita hors du cimetière et se retrouva rapidement parmi les touristes qui attendaient devant la porte des Catacombes.
Georges ne savait pas alors que sur la dalle que la vieille femme nettoyait méticuleusement était gravé le nom de Joseph Bertheim, ainsi qu’une étoile de David.
Quelques brèves minutes plus tard, on entendit dans le quartier plusieurs sirènes de police et de secours. Ce genre de tintamarre était fréquent sur l’avenue du Général Leclerc, mais cette fois-ci, on ressentait une tension bien plus forte.
Georges écoutait le raffut, bien dissimulé dans la longue queue de touristes venus visiter les Catacombes.
Un quart d’heure plus tard, Georges qui suivait le flux, n’était toujours pas arrivé à la porte du lieu. Il sortit des rangs, comme énervé par la lenteur de l’évolution de cette  procession et retourna chez lui.

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LA RETRAITE DU BERETTA
par David Nahmias

Voir l'article de Serge Cabrol sur Encres Vagabondes

  Les trois courts polars, qui composent ce recueil : La retraite du Beretta, Du noir pour un sari bleu & Tête inconnue à cette adresse, nous entraînent à travers les rues du 14ième arrondissement de Paris en des aventures insolites et extravagantes dans lesquelles le suspens et l'intrigue nous tiennent en haleine jusqu'au dénouement que vous n'oublierez pas.  

Tête inconnue à cette adresse

  Jeune retraité, passionné de littérature, David Nahmias vit à Paris. Il occupe la plus grande partie de son temps à l’écriture de romans, de poésies et d’essais. Il a publié à ce jour, entre autres : La correctrice ; Mister Alto ; Cadavre à basse température ; Alexandrie mémoires mêlées. Il dirige chez BNE Éditions, la collection POLAR. 

Illustrations de Nathalie Ferroud

 ISBN : 978-2-36447-014-8                                           Prix: 12€

Parution 21 mars 2014

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 Cet ouvrage peut être commandé au prix préférentiel Trompettes Marines de 10€. Chèque à l'ordre de BNE Éditions, courrier à adresser David Nahmias 13, rue Albert Sorel 75014 PARIS.