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Les Cigarettes égyptiennes de Waguih Ghali

L’Égypte vu par un dandy au début des années 1950 après la prise de pouvoir des officiers libres. C'est ainsi que l’on pourrait résumer Les Cigarettes égyptiennes l'unique roman de Waguih Ghali.

Ram, le narrateur et héros de cette histoire, est plein de paradoxes, issu d’une famille riche de la bourgeoisie copte du Caire, dont il est le parent pauvre, il n’envisage pas l’avenir autrement que oisif et se complait à soutirer de l'argent aux membres mieux lotis de son proche entourage ; fasciné par l'Europe et surtout par l'Angleterre pourtant nation des colonisateurs de son pays, on le découvre au bout du compte profondément proche de la culture égyptienne et amoureux inconditionnel de son pays ; buveur, joueur insouciant, vivant une dolce vita à la cairote, il se dévoile finalement tel un intellectuel révolté par les pratiques répressives du régime des militaires et prêt à commettre des actes qui le mettrait en danger. 

Les Cigarettes égyptiennes est une plongée dans l'univers de cette Égypte aristocratique et bourgeoise qui voit ses privilèges menacés, après l'éviction en grande pompe du roi Farouk et qui de jour en jour se rend compte de l'effondrement de sa légendaire nature cosmopolite après le départ non seulement des colons britanniques, mais également des communautés grecques, arméniennes, italiennes et juives qui depuis des décennies – pour ne pas parler de siècles – donnaient à l’Égypte son visage multi culturel.

La désillusion de la population égyptienne après la révolution des colonels décrite par Waguih Ghali, pourrait, à quelques détails près, servir de canevas au roman contemporain d’un écrivain du Caire ou d'Alexandrie pour décrire cette autre désillusion ressentie par ces mêmes égyptiens après la révolution du 25 janvier 2011.

Le ton de Waguih Ghali est léger, aussi léger que l'existence menée par Ram son héros, traînant d'un club à l'autre pour s’alcooliser à la bière ou au whisky avant de s'allonger au bord d'une piscine, insouciant et vaguement amoureux. Mais c'est surtout l'humour désabusé et constamment présent dans ces lignes qui donne au roman son véritable charme, un humour bien égyptien, car s’il existe un humour anglais ou juif ou peut-être danois, il existe bien un humour égyptien et Waguih Ghali nous le démontre dans un passage de son roman : je suis un véritable égyptien, écrit-il. J'ai notre sens de l'humour. Même si mon caractère originel a été altéré par mon séjour en Angleterre et par mes lectures je n'en conserve pas moins un tempérament égyptien.[...] Nous serions tous morts depuis longtemps si nous n'avions pas notre sens de l'humour. A titre d'exemples il faut lire les échanges entre le narrateur et sa tante, ou sa mère, qui s'expriment souvent en français, comme à cette époque un grand nombre d'égyptiens ; il faut lire aussi les dialogues au cours de mémorables parties de billard entre Ram et ses deux complices arméniens ; ou les tirades entre le narrateur et son ami Font, sorte d’alter ego, mais bien plus sensible, plus sincère dans ses convictions et par conséquence moins désabusé. 

Écrit en anglais, cet unique roman de Waguih Ghali a été publié pour la première fois en 1964 sous le titre de Beer in the snooker Club et sa traduction française en 1965 aux éditions Robert Laffont sous le titre de Les Jeunes Pachas. Pour cette nouvelle édition, saluons ici l'initiative des éditions de L'Olivier d'avoir à nouveau rendu disponible dans sa collection Replay ce roman qui garde toute sa fraîcheur et une certaine actualité.

Le 5 janvier 1969, Waguih Ghali s'est donné la mort dans l'appartement londonien de son amie l'éditrice et romancière Diana Athill qui dans la postface insérée dans l'édition de l'Olivier, écrit : « Il devait penser, j'imagine, qu'en écrivant Les Cigarettes égyptiennes, et en choisissant sa propre mort, il avait fait les deux seules choses qui appartinssent vraiment à l'homme qu'il semblait être, et qu'il aurait vraiment été, si les circonstances avaient été différentes. »

 

(mai 2018) David Nahmias

 

 

 

Les Cigarettes égyptiennes de Waguih Ghali
Editions de l'Olivier

Célèbre dans le monde anglo-saxon pour son unique roman, Les Cigarettes égyptiennes publié pour la première fois en France en 1965, Waguih Ghali reste un mystérieux personnage né en Égypte à une date incertaine. Choisissant une forme d’exil politique, il a vécu en Europe, multipliant longtemps les emplois occasionnels- ouvrier d'usine, docker, employé de bureau. Il s’est donné la mort le 5 janvier 1969.

Les Cigarettes égyptiennes
Première édition anglaise de
Les Cigarettes égyptiennes sous le titre de
Beer in the snooker club