APPROCHE EPISTÉMOLOGIQUE
concernant
un PLEIN BOL d’EAU TIÈDE
Bien avant de désigner un petit vase de forme hémisphérique et sans anses servant à contenir des boissons ou des aliments, le BOL, terme identifié d’une forte ancienne pharmacopée, désignait jadis une terre utilisée en médecine pour ses capacités toniques et astringentes.
Cette terre dite «bolaire» donna ensuite son nom à un terme de physiologie avant qu’il désigné un ustensile ménager très répandu dans les cuisines des deux siècles précédents et les contemporaines boutiques touristiques d’obédience bretonnante. Il est généralement utilisé pour la consommation de liquides chauds ou froids et divers mangements solides.
Ce faisant, il n’a qu’un cousinage au second degré avec la notion de bol alimentaire qui concerne l’arrivée de notre nourriture dans le gosier. Le bolchevik dit parfois «le bol chevique » dans le langage des bituriges est également exclu de la définition précédente car l’argument selon lequel il était garni d’un liquide alimentaire connu sous le nom de Vodka ne résiste pas à une analyse sérieuse. Ce terme appartient définitivement au marxisme léninisme alors que la Vodka a rejoint Cognac et Whisky dans d’autres univers où on les boit dans des verres. Pas dans des bols.
Afin de montrer, d’entrée de jeu le sérieux mis à cette étude, je dois préciser qu’une exception à la consommation d’alcool dans des verres conçus à cet effet existe dans l’ouest de la France notamment dans certaines régions de pomme.
La preuve en est administré par le père de la bien connue Thérèse de Lisieux qui buvait son calvados matinal dans un bol.
Le respect du à la vérité historique m’oblige à vous préciser que c’était en lieu et place d’un cantique imposé par sa gamine laquelle était aussi exigeante sur la diététique journalière que rigoriste dans une pratique vertueuse. Navré d’une vie de famille insipide et dépité de Lisieux, le pauvre vieux rangeait alors soigneusement son bol et surtout son flacon tout en ronchonnant dans sa barbe: «Ollé pourtant qu’un chti’jus du POUME!!! Vingt Dieux de Vingt Dieux»
Néanmoins, hors des pratiques précédentes, on peut se servir des BOLS pour absorber aussi de l’eau à la condition nécessaire qu’on en ait goût, envie ou nécessité. Pour un humain de notre temps, précisons que l’eau tiède sur laquelle je reviendrai dans une plus ample informée, destinée aux populations désireuses de s’élever dans l’échelle sociale par la connaissance, n’implique guère une appétence naturelle de notre nature profonde.
J’en appelle au père NOÉ qui vécut jadis une forte mémorable croisière avec beaucoup d’eau sous la quille et un peu de vin dans les soutes. Et surtout sur l’origine du terme que nous devons aux buveurs de punch anglais qui l’écrivaient « BOWL » au dix huitième siècle.
La notoriété du mot doit également aux écrivains romantiques de notre dix-neuvième qui l’avaient adopté à cette époque. Brillat Savarin relata son baptême en 1826 avant qu’Alfred de Musset ne le célèbre vers 1830 en écrivant : «DANS LE BOL OU LE PUNCH RIT SUR SON TRÉPIED D’OR»
Il faut donc avouer au lecteur combien, historiquement parlant, le bol de lait de l’enfance innocente doit à des consommations fortement alcoolisée, une filiation d’autant plus gênante pour les amateurs d’eau tiède que, dans certains dicos, lexiques et autres glossaires, le BOL fait directement suite à l’expression BOIT SANS SOIF et au BOITOUT, ce verre à pied cassé que l’on ne peut poser sans l’avoir vidé.
Fort simple à préparer, y compris pour un sophistiqué mathématicien spécialisé dans la mécanique des fluides, je me dois aussi de vous informer et de vous confirmer combien le produit répondant à la définition de « Plein Bol d’Eau Tiède » manque essentiellement d’une caractéristique goûteuse susceptible de provoquer une dégustation renouvelée, voire assidue.
Gastronomes de tous les pays, abstenez vous en dehors des nécessités prescrites par le corps médical ou une urgence heureusement rarissime.
Issu d’une désinence régionale il faut souligner pour les utilisateurs éventuels que la bolée qualifiant le contenu d’un bol peut être porteuse de belles joies quand elle concerne des appétences de type humaniste telle qu’une bolée de vin chaud à la cannelle. Voire des fruits frais. Dans « Naissance de l’Odyssée » Jean Giono soulignait ainsi ce vieil usage : «LA NICHE VOTIVE OU POUR LES DOIGTS FURTIFS DE PAN, ON AVAIT DÉPOSÉ LA BOLÉE DE MURES BLANCHES»
N’en tirez pas des conclusions hâtives et classieuse. Le BOL n’est pas plus l’apanage des Dieux grecs que celui de l’aristocratie européenne malgré le concept de Bol Duc qui lui est voisin sur le grand BOB. Il n’est en somme qu’un voisin de dictionnaire au même titre que le cotylédon Bol Do. Sans prétention élitiste ni sentiment de fraternité végétale, le bol est peut-être devenu tout simplement populaire parce qu’il est peu onéreux à l’achat et commode d’utilisation tandis que sa concurrente la jatte apparait plus rurale et la tasse pourvue d’une anse bien plus urbaine.
La précision ci-dessus qui relève d’une sociologie simplette doit laisser place à un arrêt de méditation pour une autre considération de digestion paisible car, prise dans un bol de dimension classique, l’eau tiède est susceptible de rendre service aux êtres humains affligés de constipation, surtout quand elle est prise à la suite d’un gigot aux haricots ou d’un cassoulet toulousain.
En effet, quoique savoureux ces derniers sont d’essence bétonneuse surtout quand on récidive dans le confit et qu’on s’obstine dans le haricot ce qui est évidemment à surveiller pour bénéficier d’un transit normal.
J’aurai mauvaise grâce à limiter l’utilité de ce bol, au rinçage intérieur nécessaire de ce que François Rabelais appelait fort joliment les andouillettes serpentines. Et l’on ne saurait regretter cette action purificatrice à base d‘une eau claire généreuse et jaillissante accompagnant l’élaboration minutieuse des AAAAA lesquelles, comme chacun sait, sont les cousines germaines des précédentes. Dans ces deux cas, constate qu’une certaine quantité d’eau est nécessaire mais que le goutte à goutte y apparait comme nettement inopérant et, de toutes manières, qu’il n’est guère adapté aux dimensions du bol.
En revanche, l’eau tiède peut avoir également un autre intérêt quand elle concerne une malencontreuse congestion de la géographie culière nécessitant le bain de siège chaudement recommandée aux dames par Rica Zaraï. Mais, à ce moment là, c’est le bol qui apparaît beaucoup trop petit pour réaliser la prestation en question. En conséquence, concernant ce cas d’espèce, notre bol traditionnel doit laisser place à d’autres conteneurs du type bidet ou baignoire, surtout quand l’utilisatrice se réfère physiquement plus à la femme aux formes généreuses de monsieur Rubens qu’à celle de Boticelli.
Reste que si l’éventail des utilisateurs d’eau tiède est loin d’être réduit en fonction de l’importante demande venue de nombreux fessiers, le bol, lui, en est effectivement marginalisé dans son destin apaisant et culmophile.
En tant que tel et en fonction d’une dignité spécifique, la démarche assurée et les yeux fixant sereinement l’azur, notre bol doit donc assumer son destin sans tam tam ni trompettes superfétatoires.
On voit bien qu’il s’agit là d’une éthique essentiellement bollienne que le langage commun ne manque pas de souligner en cas de contrariété avec l’expression « manquer de bol ».
Cette remarque qui implique évidemment combien le modeste bol peut difficilement contenir certains volumes d’eau fait que cette situation indique souvent un fort navrant « ras le bol ». Je n’insisterai pas sur ce sujet qui prête parfois à des comparaisons exagérées voire audacieuses telles qu’en avoir plein le cul. Indubitablement cette métaphore est à la fois la voisine et l’interface de la notion qui la précède.
Je préfère conclure pragmatiquement sur cette expression dite de navritude : Y compris si vous devez faire chauffer de l’eau froide dans une casserole pour obtenir de l’eau tiède, ayez toujours quelques bols à portée de la main pour rendre le liquide plus appétant pour ses diverses utilisations. Des anonymes en faïence ordinaire feront aussi bien l’affaire que des plus prestigieux en porcelaine précieuse du moment que leur dimension est suffisante.
Le point de vue analysé ci dessus n’est pas exhaustif de la Saga du bol car, sans en avoir l’objet on peut également avoir du bol dans sa vie ; c’est à dire de la chance.
Cette expression a aussi sa face arrière car si on entend parfois dire …Quel bol il a cet homme! pour désigner un veinard, elle est aussi traduite plus vulgairement par la métaphore : Quel cul il a… ce mec!
Enfin, autre point positif, si le bien connu bol de riz, nécessaire à une ancienne survie chinoise, possède un côté minimaliste dans la nutrition, respirer un bol d’ait est généralement apprécié comme bon pour les bronches. Et ce dans toutes les civilisations.
Le BOL et la santé ont donc une très ancienne connivence. ourtant l’eau tiède participant de cette étude doit être précédée d’une approche un peu technique. Et avant d’analyser plus avant ce concept où la littérature va intervenir pour justifier la présence du présent texte dans ce site littéraire distingué, il me faut vous indiquer les deux méthodes les plus utilisées pour obtenir une eau idéalement tiède.
La première consiste à chauffer de l’eau froide jusqu’à la température voulue alors que la seconde consiste à laisser refroidir de l’eau chaude. Mais dans les deux cas le contrôle manuel interviendra exception faite des amateurs de précision désirant quantifié leur notion personnelle de tiédeur en réalisant son contrôle avec un outil spécialisé tel que le thermomètre.
En effet les approches concernant cet état qui va du tiédasse sans grand caractère au presque chaud sont évidemment différentes suivant les individus.
A titre d’exemple choisi dans notre patrimoine littéraire, je ne pense pas qu’il faisait aussi chaud dans la LÉGENDE DES SIÈCLES quand Victor Hugo évoquait « ON ETAIT AUX BEAUX JOURS DE LA TIÈDE SAISON » que dans YVETTE quand Guy de Maupassant décrivait une languissante ambiance par cette constatation à une température bien supérieure à 37 degrés : « L’AIR TIÈDE DE LA NUIT ENTRANT PAR SOUFFLES LÉGERS LUI PASSAIT SUR LA FACE DUNE FACON EXQUISE. »
Conclusion : A chacun sa tiédeur apaisante et son toucher manuel. Mais surtout, qu’il soit plein, vide ou a demi rempli… à chacun son bol ! La sagesse des nations souligne ainsi l’individualisme lié à l’utilisation de ce récipient pratique qui implique aussi bien notre choix de consommation que notre manière de le remplir.
Néanmoins il me semble évident que le bol d’un chocolat fondant de chez Angélina rue de Rivoli, accompagné de toasts finement beurrés ou de petits fours n’est guère comparable au plein bol d’eau tiède qui est l’objet de cette approche épistémologique.
En conclusion, il m’apparaît honnête de signaler au lecteur que la présente étude est à la fois argumentée sur le fond quoiqu’elle soit restée volontairement débonnaire dans la forme. Ainsi, elle est à la portée de toutes les classes sociales.
De plus, précisons que l’objet en question est généralement entouré dans les endroits consacrés au rangement ménager par divers de ses concurrents tels que la jatte, la coupe et la tasse. Ils sont même parfois montés l’un sur l’autre.
C’est dire combien ce contenant exemplairement démocrate admet la différence de peau en attendant le métissage induit.
Claude Chanaud Mai 2012