Inutile
Ce quatrième recueil de Mandin offre une perspective différente, bien qu’on reconnaisse cette écriture toujours aussi plastique — rare dans la poésie contemporaine. Si l’influence japonaise est présente, c’est sans doute parce que cette civilisation dans son essence porte beaucoup moins ce dessin de l’utile que la société occidentale, c’est surtout parce que le poète de « l’inutile » s’inscrit dans la recherche continue d’un sens qui s’élabore avec la rencontre anodine, l’importance de verbes récurrents — « savoir », « exister », « devenir » ou « dire » —, une ligne centrale où l’on retrouve l’humour, la dérision, la phrase lapidaire, l’interrogation de tout l’être et de ce qui l’environne, comme cette nature beaucoup plus présente que dans les recueils précédents. « Laisse l’inutile guider tes choix », écrit le poète ; ce qui pourrait s’apparenter à un paradoxe devient cependant une sorte de viatique, souvent soutenu par l’injonction, une façon de retrouver l’essentiel, la langue du visuel, du silence, du non-dit, non pas contre l’utile, mais parce que ce dernier risque de nous priver de cette incertitude qui fonde une approche singulière. Ainsi la parole et la forme visent à retrouver, sans hermétisme, « cette émotion appelée poésie » si chère à Reverdy.
CLAUDE TUYERAS, Professeur de lettres.
Illustrations de l'auteur.
Site des éditions Fernand Lanore