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Les abeilles

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Les abeilles

 

 

 

Abeille butineuse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                   Aidez les abeilles 300x259             

             

 

                                                                                                                           

 

 

 

 

 

Il a six ans

    

  Les abeilles, en cette douce matinée de printemps, viennent butiner les fleurs de grand-mère.

   Dans un monde très ancien, les abeilles grappillaient déjà le pollen des fleurs à l’ombre des dinosaures. Une abeille, de ce lointain perdu, pensait-elle à la façon d’une abeille de l’année 1954 ? Seront-elles toujours présentes en 20 000 ou 100 000 ? Arithmétiquement parlant, on peut dire que « oui », vu qu’elles étaient déjà là au temps des dinosaures.

   P. est loin de toutes ces considérations. Il vient d’avoir six ans et grand-père lui a signalé au passage que l’an prochain, il atteindrait l’âge de raison. Poliment, il a dit « oui » à grand-père mais, apercevant les abeilles, une idée de chasse lui est venue à l’esprit et il est allé chercher son lance-pierres avec lequel il tiraille habituellement les mésanges.

   Une première précaution consiste à ne pas se faire piquer.

   Une deuxième, plus technique, l’oblige à un choix drastique de ses projectiles. Les cailloux, plutôt du silex, doivent être d’un calibre moyen.

    Oh, la belle ! Il la fixe du regard comme s’il s’insurgeait en elle. Tranquillement, le volatile zigzague, boursouflé de pollen et ne va pas tarder à regagner la ruche. Gourmande, elle pénètre les corolles écarlates d’une rose trémière. Le corps lumineux de l’insecte réapparaît.

   Le projectile est parti à la vitesse de l’éclair, l’abeille et la rose sont explosées. P. ne retrouve pas l’insecte volatilisé.

   Une voiture vient de se garer devant la maison de grand-père. Une jolie femme en descend, il s’agit de sa mère. Elle l’aperçoit sans le voir. D’un pas hâtif, elle entre dans la maison.

   Que vient-elle faire se demande P. ?

   Il perçoit des éclats de voix par la porte de la véranda. Ça chauffe on dirait. Grand-mère à l’air dans tous ses états.  

   S’il tue à l’occasion des mésanges, il comprend qu’avec une abeille, il a nettement exagéré sa force de frappe. Il vaudrait mieux revoir la chose, tout au moins agrandir son champ de tir.

   Sa mère ressort de la maison. Nerveuse, elle regagne sa 4cv Renault et démarre à fond la caisse.

   Ils ont eu des mots ! Sur quoi, il ne saura jamais.

   Motus et bouche cousue sont les principes fondamentaux de grand-père et grand-mère en matière de communication.

 

   En fin de matinée, il s’est fait une bonne trentaine d’hyménoptères.  Il les compte et recompte: 37. Une bonne chasse. Content de lui, il regroupe les corps fracassés dans son mouchoir et file vers le garage de grand-père. Là, dans un ancien casque de soldat, il pilonne les abeilles avec un manche de pinceau. Finalement écœuré par cette mélasse nauséabonde, il balance le tout dans le jardin.

   Grand-père – ancien militaire – imite, à la porte de la véranda, le son du clairon, il est l’heure de déjeuner.

 (avril 2016)